A PARTIR DE 1979-1980 : UNE INTENSIFICATION DE LA LUTTE.
Le début des années 80 est l'ouverture vers un combat beaucoup plus acharné encore entre le Deuxième Directoire du KGB et la station de la CIA a Moscou
C'est d'abord la décision de l'amiral Turner,alors patron de la CIA,d' autoriser la station de Moscou a contacter A.G.Tolkachev,pour que celle-ci redevienne active.Ensuite,l'arrivée vers la mi-1977 de Garder "Gus" Hathaway comme chef de station de la CIA a Moscou.Officier particulièrement agressif,précédé d'une réputation de "casse-cou", Hathaway va redynamiser la station de Moscou de manière radicale. Ainsi,a partir du début des années 80,la CIA développera le programme des officiers de la CIA "en immersion profonde". Tout est parti de ce constat :les officiers de la CIA envoyés a Moscou sont déja connus du KGB, qui les place sous surveillance intensive a peine le pied posé sur le territoire soviétique. Donc,il faut envoyer a Moscou des officiers de la CIA neufs,des petits jeunes,qui n'ont pas été "grillés",tout frais émoulus et sortant juste du centre d'entraînement de la CIA. Le KGB,ainsi n'attirera pas l'attention sur ses "diplomates",car bien que le personnel du contre-espionnage soviétique soit pléthorique,il ne peut pas surveiller tout le monde. R.S.Krassilnikov notait lui-même qu'étaient sous surveillance les officiers de la CIA connus (ou supposés tels) ainsi que les diplomates et journalistes qui les aidaient.
Gardner "Gus" Hathaway,Chef de station a Moscou de 1977 a 1980, il est considéré comme un des officiers les plus agressifs et les plus professionels de la CIA.Après Moscou,Hathaway a été chef de station a Bonn puis n°2 de la Division soviétique a la Direction des Opérations de la CIA et,a partir de 1984,chef du Contre-espionnage de la CIA,jusqu'a sa retraite en 1990
Parmi les officiers de la CIA triés pour ce programme (Dont un ancien officier du KGB attribue la paternité a Gardner Hathaway) ,on notera Edward Lee Howard,Paul Zalucky,Dennis Mc Mahen,Paul Stombaugh,Robert Morris,John Yeagley,Alex Grishuk entre autres.Le secret est tel que seul le chef de la station de Moscou connaît leur identité ,pas les autres membres de l'antenne moscovite de l'Agence.Parmi les officiers de la CIA qui,en 1985, sont chargés de superviser l'entraînement des officiers envoyés derrière le Rideau de Fer "en immersion profonde" notons Jim Olson,et Jack Platt.
Autre programme de la CIA utilisé par la station de la CIA a Moscou :Le JIB, Jack in the Box. Deux personnes sortent de l'ambassade américaine en voiture ,la voiture arrive dans une zone qui lui permet d'échapper a la Brigade de surveillances,la 7ème Direction du KGB,le passager saute aussitôt,tandis que le conducteur active le JIB,un mannequin gonflable. Autre,les déguisements. Ils sont apparus sous le commandement de Gardner Hathaway. Ainsi,lorsqu'il devait aller effectuer une mission,Gardner "Gus" Hathaway mettait un masque le faisant ressembler a David Hill,un diplomate de l'ambassade américaine .Sortant de l'ambassade en voiture,il ralentissait,le temps que les "batteurs de semelle" de la 7ème Direction du KGB puissent bien le voir et "reconnaître Monsieur Hill".Au bout d'un certain temps,le contre-espionnage a compris la blague de Hathaway. Autre blague,quand le 10.03.1986,le KGB interpelle l'officier traitant de S.Vorontsov. Mais on ignore son identité,jusqu'a ce que un des officiers du KGB n'enlève la fausse moustache et ne reconnaisse Michaël Sellers,un des officiers les plus russophones de l'antenne,en poste en 1981 a Varsovie.Dans une interview accordée aux "Izvestia" en 2001,Antonio Mendès,chef du département des déguisements de la CIA dans les années 80,expliquera lui-même que "nous (les officiers de la CIA a Moscou) utilisions tout un système complexe de déguisements",des personnes faisaient comme si elles sortaient pour une opération a Moscou,pour attirer l'attention du KGB,tandis que pendant ce temps,d'autres officiers traitants mènent l'opération a Moscou.
Plus original,parfois,les officiers traitants se déguisaient en femmes! Ce que fit en 1982 l'officier de la station Louis Thomas- qui sera expulsé l'année suivante pour espionnage- ,qui jouera,avec la femme de l'officier de la station Philip Reynolds,Déborah,le rôle de "deux copines".Louis Thomas devait en fait aller prendre les enregistrements de GTTAW.
Ecouteurs utilisés par les officiers de la station de Moscou lorsqu'ils sortaient pour mener une opération,pour surveiller le trafic radio des Brigades de surveillance du KGB.
Il faut y ajouter les changements des Boîtes aux lettres mortes.Désormais,la CIA privilégie les BLM sous forme de briques,plus fiables.En effet ,l'utilisation de troncs d'arbres n'était pas très sûre,car des moscovites pouvaient les ramasser pour se chauffer....
Boîtes aux lettres mortes sous forme de troncs d'arbres précédémment utilisées par la station de Moscou.Elles furent remplacées par des morceaux d'asphalte,des briques,des briques de lait ou de jus usagées,des vieux chiffons...
Boîtes aux lettres morte. sous forme de morceau d'asphalte,utilisé par la CIA a partir de la fin des années 70 .Photo de droite:Vue sur la BLM ouverte.
Autres photos de Boîtes aux lettres mortes utilisées par la station de la CIA a Moscou.
Jim Olson,chef de station adjoint de la CIA a Moscou de 1980 a 1982 environ.Il fut ensuite Chef de station a Vienne vers 1987.
Il faut y ajouter une des plus belles opérations de la CIA, GTTAW. GTTAW fut commencée par Jim Olson,chef de station adjoint de l’antenne de Moscou - apparement le remplacant de Guilsher, qui a quitté Moscou en 1980.GTTAW est une opération ambitieuse de la CIA, qui consista a mettre sur écoutes un câble sur une ligne reliant Moscou et un Institut de recherche scientifique basé a Troïtsk,qui travaille dans le domaine des lasers.Tout a commencé quand,en examinant les photos satellites, les spécialistes de la CIA remarquent que des travaux sont en cours entre Moscou et l'Institut à Troïtsk pour y mettre sous terre des câbles téléphoniques ,et de plus,les lignes ne sont pas protégées. La CIA décide de mettre la ligne sur écoutes.Un officier de la station devra descendre dans un des puits,dont le couvercle n'est pas verrouillé , et qu'on ne peut voir depuis la Chaussée Kalujsky située juste à côté.L'appareil d'écoute posé par la CIA sur la ligne contient entre autres un magnétophone qui se déclenche automatiquement lors de conversations téléphoniques et un bloc d'alimentation destiné a tenir 4-6 mois.Dans la mémoire du miniordinateur se trouve un programme spécial ,pour que le magnétophone ne se déclenche pas a l'heure du déjeuner ou les samedis et dimanche. Il faut y ajouter une petite antenne ,enfoncée sous terre, a ondes ultra-courte.Ainsi la station peut contrôler d'environ un kilomètre et demie-deux kilomètres le bloc éléctronique .Par exemple,les officiers de la station, de cette distance,peuvent envoyer un signal et recevoir un message codé si il faut changer les cassettes ou le bloc d'alimentation. Apparement,en 1980, un officier de la CIA sortit de l'ambassade caché dans un fourgon .Une fois que le conducteur fut certain de ne pas être suivi par le KGB, il laissa dans le secteur concerné l'officier de la CIA,qui souleva le couvercle du puit et une fois en bas monta le dispositif. De 1980 jusqu'a la découverte du dispositif a la mi-1985 suite aux informations de Edward Lee Howard, participeront a cette opérations les officiers de la station Louis Thomas, Dennis Mc Mahen, et Gene A.Coyle
Gene A.Coyle,officier de la station de Moscou de 1983 a 1985 environ,officiellement attaché chargé de l'achat de la littérature technique a l'ambassade américaine.Chef de station a Bichkek,Kirghizistan,en 1994.
Concernant l'éléctronique justement,la CIA continue a envoyer des messages depuis sa base de Francfort a destination de ses informateurs en URSS. Suprêmes raffinements :Quand l'informateur est recruté a l'étranger mais compte garder le contact avec l'antenne moscovite une fois revenu dans la "Patrie communiste" , la CIA fait envoyer des messages codés 6 mois avant qu'il n'arrive sur le territoire soviétique,histoire de faire croire au KGB que leur agent est déja sur place alors qu'il est en fait toujours a l'étranger. Par exemple,le centre en Allemagne de l'Ouest de la CIA commenca a éméttre a partir de la fin janvier 1976 des messages codés destinés a A.Filatov,lequel ne revint en URSS que début août 1976 ...
Un officier en poste a Moscou raconta au journaliste David Wise une autre blague de la CIA:"Parfois,la CIA éméttait des séries de codes uniquement pour faire croire aux soviétiques que la CIA communique avec un "actif" beaucoup plus important qu'il ne l'est en réalité".
La victoire de Ronald Reagan aux éléctions présidentielles américaines de 1980 ajoute au contexte.Anticommuniste fervent,Reagan nomme a la tête de la CIA William Casey,lequel est bien décidé a refouler le communisme partout ou il est ,que ce soit en fournissant des aides financières au syndicat polonais "Solidarnösc", en armant les moudjahidines combattant les soviétiques en Afghanistan,ou en combattant le Nicaragua.
Rem Sergeyevitch Krassilnikov,chef du 1er département de la Deuxième Direction Principale du KGB de 1979 a 1992 (Section américaine du contre-espionnage du KGB). Krassilnikov est décédé le 16.03.2003
Du côté soviétique arrive a la tête du 1er département (Chargé entre autres des Etats-Unis ) du contre-espionnage KGB le Général-Major Rem Krassinikov. Un professionnel : Fils de tchékiste,il est entré au contre-espionnage en 1949,a travaillé a deux reprises a l'étranger (A Ottawa et Beyrouth) puis a dirigé de 1973 a 1979 le 2ème département du contre-espionnage,chargé de la Grande-Bretagne des pays du Commenwealth. A ce titre,il a dirigé le travail contre la station du SIS a Moscou,et a eu l'honneur de rencontrer deux agents soviétiques,tous deux anciens officiers du SIS britannique :Kim Philby (Que Krassilnikov a traité quand il était en poste a Beyrouth) et George Blake. Selon Krassilnikov dans son livre "La CIA et la péréstroïka",Philby et Blake lui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement du MI6 ,les buts et les méthodes de la CIA,ce qui a permis a Krassilnikov,quand il arriva a la tête du département,de revoir certaines évaluations sur les stations du MI6 et de la CIA a Moscou,de revoir "qui est qui" en évitant les éxagérations, en établissant de manière la plus claire possible qui appartient a la CIA et qui non, et en réévaluant les dégâts causés par le travail du renseignement américain a Moscou.
Krassilnikov peut compter ,pour son travail, sur les équipes de la 7ème Direction du KGB,la Brigade de surveillance,plus particulièrement son 1er département,chargé des américains. Ce sont des officiers expérimentés,habitués a surveiller dans Moscou les américains,qu'ils soient diplomates,chiffreurs,officiers de la CIA,de la NSA ou de la DIA. Le KGB n'hésite pas a mettre les moyens pour suivre les officiers du renseignement américain,a un tel point que un ancien officier de la DGSE notera que les officiers du renseignement américain a Moscou pouvaient passer une journée a déjouer les mesures de surveillance,sans être surs d'y arriver. Résultat,les officiers de la station de Moscou devaient reporter leurs opérations de contact avec les informateurs de la station.
Petite parenthèse sur la station elle-même en ce début des années 80: En effet c'est sur cette période que les informations disponibles sont les plus précises,ce qui permet de se faire une idée de son fonctionnement. Il convient d'abord de rappeler que ,bien que la station de Moscou ne soit pas la plus grande en terme d'effectifs- Selon R.S.Krassilnikov,la station de Moscou comptait environ entre 8 et 12 officiers traitants, alors que dans les années 80 la station de Paris compte 70 officiers- , elle joue un rôle important, c'est la "crème de la crème", car c'est la capitale de l'URSS , donc la ou sont les principales administrations,centres de recherches,moyens de communications. Moscou,c'est la capitale de l'ennemi n°1 des Etats-Unis a cette époque,l'URSS. N’y sont donc envoyés que les meilleurs officiers.
Moscou étant une petite station,tout officier qui y arrive devait se mettre immédiatement au travail. Heureusement,l'antenne dispose de l'aide des diplomates,membres du bureau de l'attaché militaire ,journalistes,pour obtenir des informations ou rencontrer un russe qui intérésse la station. Consigne est donnée par le Département d'Etat,le chef de la station de la CIA et même l'ambassadeur américain a Moscou d'accepter toute proposition inattendue ou toute information de la part de citoyens soviétiques. Il convient ensuite de prévenir la station de la CIA.Les diplomates aident aussi la station,par exemple en laissant une lumière dans une pièce déterminée allumée de l'ambassade américaine a une heure convenue,ce qui sert de signal aux informateurs.
Parmi les diplomates contactés par des russes souhaitant passer des informations aux américains,on peut citer comme exemple le 2ème secrétaire de la section politique de l'ambassade américaine a Moscou John Feeney qui est contacté un soir d'été 1984 par le Major du KGB S.Vorontsov,lequel désire passer des informations a la CIA contre de l'argent. Pour revenir a la station,ses missions sont
- D'une part d'entretenir le contact avec les "asset","l'actif",ou les "Joes" comme les appelle John Le Carré dans ses romans,c'est-à-dire les informateurs,des citoyens soviétiques qui fournissent des informations,qui peuvent être a caractère politique,économique,ou militaire. Soit ses informateurs ont été recrutés hors d'URSS par les stations de la CIA (Ou le FBI quand le recrutement a eu lieu sur le sol américain) dans le monde et ont acceptés de garder le contact avec la CIA en URSS (Ce qui n'est pas le cas de tous les informateurs car nombre d’entre eux connaissent l’efficacité du contre-espionnage du KGB ,donc contacter le renseignement américain a Moscou est trop dangereux. Ainsi,Boris Yuzhin,officier du KGB recruté en 1975 par le FBI, n'eut aucun contact avec la station de Moscou depuis son retour a la Mère Patrie fin 1982.Ce qui n'empêcha pas le KGB de l'identifier et de l'interpeller le 23.12.1986) ,soit ce sont des personnes vivant en URSS même et qui ont établies un contact avec la CIA. On peut citer comme exemples V.Kalinine en 1972, A.G.Tolkachev en 1977,S.Vorontsov en 1984.Les recrutements en URSS même sont rares car dangereux,le contre-espionnage du KGB étant particulièrement vigileant. Un des seuls cas de recrutement eut lieu a Léningrad au milieu des années 70,quand un chercheur de l' Institut de Physique et technique Ioffe, Mikhaïl Piotrovitch Kazachkov,est recruté par le "vice-consul" américain a Léningrad Daniel Loftin.
-D'autre part de collecter des informations par les moyens éléctroniques,ainsi que toute information pouvant intérésser Langley,a savoir des informations sur le potentiel militaire,sur l'armée,les objectifs militaires,qui suscitent l'intérêt du Pentagone en cas de guerre, sur l'économie soviétique,les relations entre l'URSS et les autres pays,entre les différentes nations et les différents peuples d'URSS.
.Une attention particulière était réservée au renseignement politique,sur les décisions,orientations du Kremlin,mais peu d'informations étaient disponibles là-dessus.
Commentaires
Et OSS 117
cordialement
Le Saint
Et OSS 117
cordialement
Le Saint
Je suis tombé sur une référence à ce qui semble être un autre informateur de la CIA dans le livre "Victory" de Peter Schweizer (p.186) : en 1984, un officier supérieur affecté à l'Etat-major Général approcha la station de Moscou. L'officier devait notamment fournir en janvier 1985 plusieurs dizaines de pages détaillant un plan d'escalade de la guerre en Afghanistan et de changement des tactiques utilisées, ce qui poussera Reagan à augmenter radicalement de son côté le "programme afghan" avec notamment le passage de la directive NSDD-166 (p.212). Les sources nommées de Schweizer sont John Pointdexter, Robert McFarlane et Vincent Cannistraro.
Dans "Ghost Wars", Steve Coll rapporte que la CIA avait obtenu des informations sur les décisions du Politburo à propos de l'Afghanistan peu après l'arrivée de Gorbatchev au pouvoir (mars 1985), et pense qu'il s'agit de la même source (p.159, 594 - ses sources sont anonymes mais remontent à 1992) : il fait référence à un papier universitaire dont la source est le livre de Schweizer).
Je n'ai pas trouvé d'autre information sur ce "walk-in", apparemment son identité reste inconnue.