Est ici publiée une note de l'ESISC, intitulée "AVENTURISME GEORGIEN", assez critique vis-a-vis de l'attitude des autorités géorgiennes dans le conflit ossète.
Vous pouvez la retrouver sur le site de l'ESISC
Par Claude MONIQUET
Président de l’ESISC
En quelques heures, dans la nuit du 7 au 8 août, le président Mikhaïl Saakachvili est parvenu, en utilisant la force pour tenter de régler un problème qui ne présentait aucune urgence, à rendre le plus mauvais service qui soit à son pays, à l’équilibre du Caucase, au renforcement de l’OTAN et à l’influence occidentale aux marches de la Russie.
Nous ne nous prononcerons pas, ici, sur le fond du problème, à savoir la revendication indépendantiste de l’Ossétie du Sud, bien que nous soyons en droit de nous demander à quel titre on refuserait aux Ossètes un droit que l’on reconnaît aux Kosovars…
Nous nous contenterons simplement de rappeler que –même si Moscou a un peu soufflé sur les braises en 1992 – c’est incontestablement l’intransigeance nationaliste des Géorgiens, incapables de prendre en compte le besoin d’autonomie de minorités nationales importantes, qui fut à l’origine de lapremière guerre en Ossétie du Sud, en 1991. Il était possible de faire des concessions aux Ossètes, mais Tbilissi préféra envoyer 6000 soldats sur place pour « y rétablir l’ordre». Avec les résultats que l’on sait: Moscou soutint la revendication ossète et la Géorgie connut une honteuse défaite. Depuis, l’Ossétiedu Sud s’est érigée en «Etat » indépendant (qu’aucun autre pays, même la Russie, ne reconnaît) mais le calme régnait dans la région. Jusqu’en 2004…
Arrivé au pouvoir dans la foulée de la Révolution des Roses qui a mis fin au règne de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Mikhaïl Gorbatchev, Edouard Cheverdnadzé, M.Saakachvili a promis l’ouverture et les réformes. Son bilan est pour le moins mitigé. Si le pays
connaît une croissance de 9% par an, Mafia et corruption continuent à y tenir le haut du pavé, et le pouvoir a été agité par d’incessantes querelles de palais donnant lieu à des limogeages évoquant davantage la République bananière que l’Etat de droit.
Moitié pour faire oublier cet échec partiel, moitié sans doute pour complaire à la partie la plus radicale de son opinion, le président Saakachvili a alors commencé, à son tour, à surfer sur la vague nationaliste en promettant la réunification du pays –qui devait faire face à la sécession de trois régions : l’Abkhazie, l’Adjarie et l’Ossétie du Sud. La question adjare a été réglée par la diplomatie, le retour de la province rebelle sous la tutelle de Tbilissi ayant étant obtenu largement grâce aux pressions de Moscou. Le dossier abkhaze est au point mort mais, depuis 2004 - et singulièrement ces derniers mois – les incidents entre l’armée géorgienne et les forces ossètes se sont multipliés. La situation, toutefois, restait gérable. Jusqu'à 7 août dernier.
Ce jour-là, en jetant les troupes géorgiennes sur l’Ossétie, Mikhaïl Saakachvili a «commis plus qu’un crime, une faute». D’abord, même si l’on peut comprendre l’inconfort de Tbilissi face à la volonté sécessionniste d’une partie de sa population, quelle urgence y avait-il à briser par la force un statu quo vieux d’une quinzaine d’années ? Ensuite, récupérer un territoire de moins de 4000 km², peuplé de 70 000 âmes qui refusent et refuseront de se couler dans le moule géorgien, valait-il la peine de faire couler le sang ? Enfin et surtout, le président géorgien a-t-il vraiment pensé que Moscou allait assister, les bras croisés, à la normalisation d’une Ossétie du Sud que la Russie soutient depuis quinze ans ?