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  • Cloisonnement, coupures, et difficultés d' exploitations du renseignement par l' Intelligence community US

    Le génie des américains consiste dans le fait que ils ne font jamais d' erreurs simples et stupides. Ils font des erreurs stupides et compliquées qui obligent tout le monde à se casser la tête et à rechercher dans ses erreurs un sens caché quelconque". Nasser

     

    La longue enquête du Washington Post relative au cloisonnement des services de renseignement et de sécurité US, y compris entre Services, n' est guère une surprise. Combien d' ouvrages, de documents, de rapports, qui ont pointés en filigramme ce problème! Ainsi de Victor Marchetti et John Marks, dans leur ouvrage "La CIA et le culte du renseignement" paru.. dans les années 70, qui constatent les doublons entre la CIA et la DIA; ainsi aussi bien du rapport officiel relatif aux attentats du 11 septembre que du rapport de l' Inspecteur général de la CIA relatif aux mêmes évènements, qui pointe l' absence de coopération entre CIA et FBI dans la chasse aux terroristes commettant des attentats sur instruction de Oussama Ben Laden. Ainsi, dans la lutte contre le terrorisme, sont impliqués: Le Département de sécurité intérieure; la CIA; le FBI; le Directeur national du renseignement; la NSA; le Département d' Etat; le National Counterterrorism Center; le Département du Trésor, et j' en oublie... Chaque Agence avec ses méthodes, ses protocoles de sécurité, ses informations...

    Reconnaissons au Washington Post l' avantage de centrer clairement son article sur ce phénomène. Même si l' article du Washington Post a fait l' objet de critiques, Le Figaro indiquant que l' administration US réfute "certains mythes" de l' article, disponible ici, l' ambiance décrite est malheureusement véridique.

    Il serait faux de penser que la situation n' existait pas avant les attentats du 11 septembre: Elle était déjà bien présente. La meilleure preuve, ce sont les attentats eux-mêmes, dont une des raisons fut le manque de coopération et la rétention d' informations entre Agences. Non, le 11 septembre n' a fait que empirer les choses, avec la création de nouveaux doublons: C'est la mise en place du TTIC puis du NCTC; la mise en place du Département for Homeland Security, qui s' efforce de rassembler sous un même toit plusieurs agences touchant à la sécurité intérieure US; la mise en place, par la CIA, de postes de chefs de stations exclusivement chargés de la lutte antiterrorisme, parallèment au classique chef de station de la CIA (Par exemple en Grèce et en France); sans compter les multiples organismes y compris privés chargés de surveiller les forums et sites djihadistes

    C'est un travers de ce vaste ensemble qu' est la Communauté US du renseignement. Certes, des efforts sont faits pour essayer de modifier les choses: En 2004, le rôle de Directeur national du renseignement, qui revenait auparavant au Directeur de la CIA, a été détaché: Un poste de DNI a été créé en soi, chargé de coordonner l' ensemble de la communauté US du renseignement. Il est malheureusement à craindre que la création d'un tel poste n' ait été que un nouvel empilement sur un millefeuilles déjà trop lourd, avec un échelon bureaucratique supplémentaire: le DNI dispose de ses propres analystes, responsables de la communications, superviseurs pour la Corée du Nord (Auparavant, aussi, pour le Vénézuela et Cuba!) en plus de ceux que comptent la CIA, le FBI, le DIA etc etc.... Le meilleur exemple en est encore la tentative d' attentat commise sur un avion en partance pour les USA, fin 2009: l' information entre Services avait fait défaut.

    Les travers sont alors au nombre de deux: la coupure entre Services (Voire parfois au sein d'une Agence même!) empêche une circulation efficace de l' information; les doublons entre Services, chargés parfois des mêmes fonctions, entraîne parfois des divergences analytiques et d'information préjudiciables quant aux interprétations données et à la remontée des informations en haut lieu. La communauté US du renseignement peut, certes, souffrir d'un manque d' informations: Il est très difficile de connaître le potentiel militaire ou nucléaire de la Corée du Nord par exemple, tant le régime est fermé, et les meilleures photos satellites ainsi que les meilleurs analystes ne compenseront jamais le renseignement humain, extrêmement difficile à obtenir. Mais, parfois, c'est l' inverse qui se produit: La communauté US du renseignement, grâce à ses propres informations et à celles obtenues par le biais des partenaires étrangers, obtient TROP d'informations divergentes. Une nouvelle fois, c'est l' ouvrage "La CIA et la communauté du renseignement" qui l' illustre: Après la crise de Cuba, le PFIAB fut chargé d' examiner les raisons pour lesquelles les services secrets US avaient détectés si tardivement la présence de missiles installés par les soviétiques à Cuba. Le PFIAB découvrit que sur les milliers de rapports en circulation, deux seulement présentaient les faits sous leur jour exact.

    Certes, toute Agence doit avoir ses règles de sécurité; il serait faux de dire que la coopération entre Agences est inexistante. le dialogue entre Agences existe. Le but de cet article n'en est que de dénoncer les travers et les dangers, et, peut-être, d' en appeler à une certaine rationnalisation du renseignement.

     

  • "Les diplomates. Derrière la façade des ambassades de France

    Un ouvrage qui dérange le pouvoir peut se reconnaître à une chose: la réaction qu'a le pouvoir à son encontre. Il peut être attaqué en justice, ou bien se voir limité par de discrètes mesures "administratives". L' ouvrage de Franck Renaud entre dans la seconde catégorie, puisque selon une information,  le Quai d' Orsay s'est empressé que le présent ouvrage ne figure pas sur la liste des livres envoyés aux postes diplomatiques français à l' étranger!

    Par delà une lecture relativement aisée, l' auteur a le bon goût d' éviter les formules alambiquées et incompréhensibles au profit de la description de l' ambiance régnant au Quai d' Orsay que l' on pourrait résumer à "Pas de vague et langue de bois!". Certains regretteront peut-être que l' auteur ne brosse pas un portrait haut en couleur des Ministres des affaires étrangères, ou de description détaillée du processus de décision de la diplomatie française ainsi que ces grandes orientations. Mais là n'est pas le but de l' ouvrage: Loin des clichés, l' auteur dépoussière cette vénérable institution. Et ce n'est pas triste, appuyé par une documentation fouillée. L' ouvrage se découpe en thèmes, et paraît parfois se livrer à une étude sociologique très intéressante: découvrir par exemple l' évolution sociologique de la provenance des ambassadeurs; d' insister sur les ambassadeurs "thématiques" très peu connus du grand public; de démontrer l' effet pervers des coupes budgétaires sur les programmes des ambassades, ou le recours aux contractuels locaux; de démontrer la quasi autonomie des bureaux économiques des ambassades. On vire parfois du cocasse (Les surnoms de Douste-Blazy; les visites des Ministres à l' étranger) au tragique. Sur ce point, l' auteur insiste, avec beaucoup de précisions, sur les affaires de pédophilie au sein de la diplomatie française. L' auteur s' appuie sur une série d' exemples, plus particulièrement en Asie, et donne des détails biographiques de certains pédophiles présumés ou condamnés, qui se reconnaîtront aisément. Un ouvrage recommandé, tout simplement.