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  • La station du MI6 a Moscou, 1ère Partie: Des années 40 a 1963.

    MI6 STATION IN MOSCOW

    Un premier article publié sur ce blog s' était efforcé de dévoiler la station du MI6 a Moscou depuis la seconde guerre mondiale jusqu'à nos jours en indiquant ses officiers connus, leurs couvertures et si possible leurs biographies. Il paraissait néanmoins indispensable de compléter cet article avec une histoire de la station du SIS a Moscou, retracée a partir des sources disponibles.

     

    L' ambassade britannique a Moscou, Quai Sofia. C'est sous couvert de l' ambassade que le MI6 disposait d'une station. Avant la deuxième guerre, la station du SIS a Moscou ne paraît pas s' être impliquée dans des opérations d'envergure: La tactique alors utilisée par le SIS est d'utiliser ses stations périphériques en s' appuyant sur l' opposition russe exilée, laquelle a gardée parfois quelques contacts en URSS même, permettant d'obtenir des  informations intéressantes.
    La station du SIS a Moscou était et reste un poste sensible au sein du SIS, le service de renseignement extérieur de Sa Majesté.

    La collecte du renseignement continue, mais de manière « ouverte », ou par le biais des alliés de la Grande Bretagne. Dans son livre « Opération Tarantelle », Lev Sotskov évoque par exemple un général tchécoslovaque qui entretenait d' excellentes relations avec le chef de station du SIS a Prague avant (puis après) guerre Harold Gibson; quand ce général est nommé a Moscou, Gibson  lui demande d' être en contact sur place avec un membre de l'ambassade britannique, sans aucun doute un officier du SIS, ce que ce général s' empresse d' accepter.

    Broadway Building, QG du SIS de 1924 a 1966. La tactique alors utilisée par le SIS est: éviter de compromettre la station de Moscou (très petite alors) et donc , autant que possible reporter les tâches de renseignement sur les antennes périphériques (Par exemple a Vienne ou en Turquie). La station de Moscou fait donc du renseignement "ouvert", en coopération avec le bureau de l'attaché militaire de l'ambassade britannique, et ne se "mouille" que quand il n'y a pas d'autre choix, ou si le jeu en vaut la chandelle. Les opérations conduites par la station du SIS a Moscou durant la guerre froide le montrent très clairement.


    Durant la Seconde guerre, c'est surtout un poste chargé de coordonner les activités de renseignement soviético- britanniques aussi bien contre l' Allemagne nazie même que sa périphérique (Par exemple en Afghanistan et en Iran). En 1943 le poste de Moscou est dirigé par Cécil Barclay.  Il s'agit plus d'une représentation qu' autre chose.
    La seconde guerre mondiale contraint plus qu 'autre chose les services secrets britanniques et soviétiques a coopérer, mais avec énormément de prudence: il est hors de question de dévoiler a l'autre camp les sources d' informations. Dans certains cas, l' information obtenue n'est pas transmise au camp allié. Anthony Cave Brown résume magistralement les choses dans son ouvrage "La guerre secrète": "Les services secrets britanniques et russes étaient des ennemis de toujours. Avant, pendant et depuis la Révolution russe, les deux services s' étaient âprement combattus: Les Russes pour supplanter l' Empire britannique, les Britanniques pour abattre la Révolution bolchévique et restaurer en Russie un gouvernement qui leur conviendrait mieux.[..] leur rivalité ne s'était momentanément apaisée que devant la commune nécéssité pour Westminster et le Kremlin de vaincre Hitler".

    Par exemple, en 1943, la station de Moscou est prévenue par le QG du SIS de l' existence d'un mystérieux « Bureau Klatt », travaillant pour l' Abwehr et qui collecterait des informations en URSS même grâce a un réseau très bien implanté. L'information est transmise aux autorités soviétiques sur les activités du "Bureau Klatt" en Roumanie et en Bulgarie. Les autorités soviétiques se montrent extrêmement critiques vis-a-vis de ses documents: aucune information n'y est disponible sur le travail de ce "Bureau Klatt" contre l' URSS même. Les soviétiques sont persuadés que les britanniques en savent beaucoup plus sur cette organisation. Ce que reconnaît un officier du SIS lors de sa conversation avec..Kim Philby: "Les informations transmises aux soviétiques datent d' il y a deux ans, et nous en savons beaucoup plus sur Klatt" ("KGB in England", Oleg Tsarev et Nigel West)

    Mais les britanniques sont loin de se douter que le renseignement soviétique a toutes les cartes en main, et ce grâce a des informateurs très bien placés au coeur même des services de renseignement de Sa Majesté. De plus, même durant la guerre, chacun des deux camps a conscience de la bataille qui se prépare avec l'autre: Le poste du renseignement soviétique en Grande-Bretagne est renforcé, et n' hésite pas a recruter et a traiter des informateurs sur place, tandis que le chef du contre-espionnage du SIS, Valentine Viviane, prépare un document annonçant clairement la bataille s' annonçant avec les soviétiques et indique les méthodes a suivre. Ce document arrive a la Loubianka grâce a Kim Philby.

    Au lendemain de la Seconde guerre et de la défaite de l' empire nazi et de ses alliés, le SIS s' active, par conséquent, sur le front de la lutte anticommuniste: Au quartier général du MI6, Kim Philby est nommé a la tête de la nouvelle division « R5 », tandis que sur le terrain, dans les pays libérés du joug nazi (Mais dont certains tombent sous la coupe soviétique), le SIS rouvre ses stations: En Tchécoslovaquie arrive en 1945 comme « 1er secrétaire chargé de la section des visas » (Couverture extrêmement transparente) Harold Gibson; a Varsovie le premier chef de station est Michaël Sullivan, a qui on doit une des plus belles opérations avec le recrutement de Josef Swiatlo; a Sofia arrive en 1947 Anthony Brooks ;la station de Vienne ouvre dès 1946, sous le commandement de Georges Young, lequel s' illustrera plus tard par sa participation dans les opérations AJAX (Renversement en 1953 en Iran, en coopération avec la CIA, du premier ministre Mossadegh et rétablissement du Shah)  et MOUSQUETAIRE (Tentatives d' assassinat du leader égyptien Gamal Nasser).

    Le dispositif est coordonné depuis le QG du SIS; le travail contre l' URSS relève, au sein de la Division DP1 du Directorate of Production, du Service "Europe du Nord", chargé de la Scandinavie et de l' Union Soviétique. Ce Service sera dirigé par le colonel Cordeau jusque 1946, puis de 1946 à 1961 par Harry Carr.

     

    BIOGRAPHIE: Né le 28.11.1899 à Arkangelsk en Russie, Harry Carr sert dans l' Armée, d' abord comme artilleur jusque 1919, puis comme interprète des forces expéditionnaires en Russie de 1919 à 1920, avant d' entrer au SIS au tout début des années 20. Chef de station à Helsinki, il dirige ensuite la station de Stockholm durant la Seconde guerre, de 1941 à 1945, avant de prendre la tête du contrôleurat "Europe du Nord" ou il s' efforcera, entre autres, de monter les opérations pour renverser le régime albanais. Il quitte le SIS en 1961 et décède en 1988

    BIOGRAPHIE: Ernest Henry Van Maurik, Né le 24.08.1916. officier du SOE durant la seconde guerre mondiale, entre autres il entraîna le commando tchèque qui assassina Reinard Heydrich durant la Seconde Guerre mondiale.Puis il fut parachuté en Suisse en 1944 pour y diriger le poste SOE et coordonner les activités de fourniture en armes des maquis. Entré au Secret Intelligence Service vers 1947. Chef de station du MI6 a Moscou de 1948 a 1950, officiellement deuxième secrétaire de l' ambassade britannique. En poste a Berlin de 1950 a 1952, puis a Buenos Aires de 1958 a 1962 (a ce dernier poste, sans doute chef de station). "Premier secrétaire" de l' ambassade britannique a Copenhague de 1965 a 1967, puis chef de la station du SIS a Rio de Janeiro, officiellement conseiller, a partir de mars 1968. Décoré de l' Ordre de l' Empire Britannique en 1945. Toujours en vie en 2008.

    Après la guerre, un des premiers chefs de stations dans la capitale soviétique qui est identifié est un spécialiste des opérations clandestines: Ernest Henry Van Maurik, sous la couverture de 2ème secrétaire a l' ambassade britannique de 1948 a 1950 (Il remplace Georges Berry a ce poste),  Tout comme ses remplaçants successifs (D.Collett, Terence O'Bryan Tear et Daphné Park) il prendra part a l'opération de parachutage en URSS d' agents chargés de collecter des informations.
    Terence O' Bryan Tear en particulier est une figure bien connue du SIS: Chef de station a Moscou a la mort de Staline, il rencontrera aussi Georges Blake quand ce dernier passe a Moscou vers avril 1954, suite a sa libération par les autorités nord- coréennes. Si O'Bryan Tear n'a pas vu sa couverture de 3ème secrétaire de la section consulaire de l' ambassade écornée vis-a-vis des autorités soviétiques (ce que on ne peut totalement exclure, le SIS accordant une certaine importance aux couvertures de ses traitants a l' étranger), c'est désormais le cas! Ce que les officiers du SIS ignorent, c'est que Blake vient juste d' être recruté par le renseignement soviétique, durant son internement en Corée du Nord... Ce qui n' empêchera pas O' Bryan Tear de faire ensuite une brillante carrière comme chef de station.


    BIOGRAPHIE: Terence Hubert Louis O'Bryan Tear, né le 09.12.1918. Entré au SIS en 1947. Officiellement a la commission de contrôle sur l' Allemagne de 1950 a 1952. Chef de station du MI6 a Moscou de 1952 a 1954 officiellement troisième secrétaire de la section consulaire de l' ambassade britannique. Officiellement second puis premier secrétaire d'ambassade a Stockholm de 1956 a 1960 puis a Aden de 1960 a 1962. En poste a Manille (1963-1965) puis Singapour (1965-1967) et Bahreïn (février 1969-). Chef de station du SIS a Berne de 1972 a 1978, il dirigera le recrutement de Vladimir Rezoun, un officier du GRU. Ses deux adjoints qui seront impliqués dans l' opération s'impliqueront par la suite dans le travail en direction des soviétiques: John Lawrence Taylor dirigera la station du SIS a Moscou a la fin des années 70 tandis que Gordon Barrass sera un des débriefeurs de Oleg Gordievsky.


    La Baronnesse Park s' illustrera, dans deux opérations menées par le SIS au coeur du territoire soviétique: Rem Krassilnikov, ancien haut responsable au contre-espionnage du KGB, évoque de manière beaucoup trop vague la participation de Daphné Park aux "opérations de parachutage d' agents dans la région Balte, quand cette opération touchait a sa fin". Il est sans aucun doute fait référence a l'entraînement, mené par le SIS, de nationalistes baltes. Ensuite renvoyés chez eux, ils sont chargés de collecter des informations et de mener des sabotages contre les soviétiques. Cette opération, infiltrée par les services secrets soviétiques, prend fin en 1954 environ.

    BIOGRAPHIE: Daphné Margaret Sybil Desirée Park. Née le 01.09.1921. En poste a la commission alliée pour l' Autriche de 1946 a 1948, puis a la délégation britannique a l' OTAN de 1952 a 1954. Chef de station du SIS a Moscou de 1954 a 1956, officiellement elle occupe de deuxième secrétaire de la section consulaire de l' ambassade britannique. Après Moscou, la Baronnesse Park officiellement 1ère secrétaire , en réalité chef de station du MI6 a Léopoldville de 1959 a 1961, puis a Lusaka de 1964 a 1967, consule générale a Hanoï de 1969 a 1970. A un moment elle fut aussi a la tête du contrôleurat "Afrique", Directorate of Production du MI6. Controleur "Western Hémisphère" (Amériques et Caraïbes) de 1975 à 1979. Quitte le SIS en 1979. Décédée en 2010

    Une autre opération est un contact avec un illégal du KGB, nom de code GIDEON, recruté par le contre-espionnage canadien, et qui est rappelé a Moscou en 1955; pour la première rencontre avec lui, c'est Daphné Park en personne qui s'y colle. Ce que le SIS ignore, c'est que GIDEON, en réalité Evgueni Brik, a été démasqué par le KGB et interpellé dès son retour a Moscou. Daphné Park est par conséquent repérée par les brigades de surveillance du KGB rôdant dans le secteur de la rencontre qui doit avoir lieu entre Brik et son contact du SIS a Moscou. Les notes publiées par Christopher Andrew et Vassili Mitrokhine (Le KGB contre l' Ouest, Éditions , page ) indiquent clairement que le KGB a initié un « double jeu » avec le SIS, mais sans en indiquer le but, la durée, ni pourquoi il fut interrompu, malheureusement. Daphné Park quitte Moscou en 1956.

    Un des plus beaux succès de la station de Moscou (et paradoxalement un de ses plus gros échecs) sera le traitement de Oleg Penkovsky. Succès dans les informations obtenues de son traitement, échec dans la manière dont il sera "traité". On peut même être plus que précis et indiquer que le traitement de la source Penkovsky a Moscou révèle de très grosses lacunes, voire surprend parfois par son amateurisme.

    Oleg Penkovsky

    C'est un de ses successeurs a la station de Moscou, Roderick Chisholm, qui obtiendra un succès, et quel succès! Colonel du GRU, le renseignement militaire soviétique, ayant ses entrées dans les milieux de la Défense soviétique, Oleg Penkovsky essayera a plusieurs reprises de contacter la CIA et le SIS sans succès, jusqu' a ce que enfin le renseignement britannique prenne les choses en main, par l'intermédiaire de l' homme d' affaires britannique Greville Wynne. A partir de la le colonel Penkovsky sera traité aussi bien a Londres et Paris, ou il se rend en tant que membre d'une délégation soviétique, que au coeur de Moscou, ou il rencontre l' homme d' affaires britannique Greville Wynne.

    C'est lors de sa rencontre a Londres, en août 1961, avec ses traitants, qu' est présenté a Penkovsky son nouveau contact a Moscou: Il s' agit de Janet Chisholm, la femme du « deuxième secrétaire » de l'ambassade britannique Roderick Chisholm. Auparavant, Wynne servait de courroie de transmission entre Penkovsky et les Chisholm;désormais, le contact est direct..du moins temporairement.


    BIOGRAPHIE: Roderick William Chisholm, né le 18.07.1925, sert dans l' armée britannique de 1943 a 1948, puis a la commission de contrôle pour l' Allemagne de 1951 a 1955, il est alors déja au SIS. En poste a Singapour, importante antenne régionale du SIS, de 1958 a 1959, il est nommé chef de station a Moscou, avec grade de deuxième secrétaire d'ambassade. Arrive a Moscou le 03.06.1960, il traitera Penkovsky (nom de code "YOUNG" pour le SIS) par l'intermédiaire de sa femme et de l' homme d' affaires Greville Wynne. Quitte Moscou le 14.07.1962, revient au QG du MI6 a Londres. Le dévoilement de son nom lors du procès, en mai 1963, n'empêchera pas Chisholm de faire carrière: il sera "1er secrétaire" a Singapour (1964 a 1965) puis a Prétoria, en Afrique du Sud a partir de octobre 1970. Il est décédé a la fin des années 70 de la malaria.

    BIOGRAPHIE: Gervase Cowell, né le 04.08.1926, entré au SIS en 1951. En poste en Allemagne sous couverture de la section politique de la Commission de contrôle pour l' Allemagne. " Second secrétaire" a Amman en Jordanie de 1958 a 1960. Il est nommé chef de station a Moscou sous la couverture de deuxième secrétaire de l'ambassade britannique, et arrive a Moscou le 27.08.1962. Son nom est rendu public lors du procès de Oleg Penkovsky en mai 1963, et il est expulsé avec sa femme Pamela. "1er secrétaire" a Bonn de 1964 a 1966, il est chef de station adjoint du SIS , sous les ordres de Arthur Temple Franks. De retour au QG du SIS en décembre 1966. Il sera ensuite en poste a Paris et Tel-Aviv, avant de quitter le SIS en 1981.


    Janet Chisholm et ses enfants. Les modalités de contact sont définies: Penkovsky rencontrera Chisholm pour lui transmettre des informations et recevoir d'elle instructions ou pellicules photos lors de rencontres clandestines dans Moscou. Les rencontres auront lieu a 16h le samedi sur le Tsvetnoï Boulevard en octobre et décembre, et a 13h chaque vendredi de novembre sur la Arbat.

    De retour a Moscou le 08.08.1961, Penkovsky y retrouvera Wynne, lui transmet des informations, et recoit du britannique une boîte de bonbons, qui servira de « boîte aux lettres mortes »: Penkovsky doit y cacher les informations collectées puis transmettre la boîte a Janet comme si c' était un cadeau. Ce que fait Penkovsky le 04.09.1961 quand, comme convenu, il offre la boîte a l' enfant de Janet, alors que celle ci se balade sur le Tsvetnoi Boulevard, et la mère la récupère.

    Codes de Penkovsky pour déchiffrer les messages radio. Penkovsky part ensuite a Paris le 20.09.1961; débriéfé, il y retrouve aussi Janet Chisholm et Greville Wynne. Les méthodes de contact sont aussi précisées: est indiqué a Penkovsky l' existence d'une cache , 5/6 Rue Pouchkine a Moscou, ainsi que plusieurs numéros de téléphones a Moscou qu'il peut joindre. Entre autres,si il souhaitait que son traitant britannique relève la BLM, il devait composer a 21h10 le lundi le numéro K-4-89-73, laisser sonner trois fois et raccrocher puis répéter exactement la même opération. Les enquêteurs du KGB n'auront aucun mal a déterminer que ce numéro correspond a l' appartement 35 du 12/24 Rue Sadovo-Samotechnaya, ou habitait jusque juin 1962 John Varley, aide de l' attaché de l' armée navale a l' ambassade britannique, puis de juillet 1962 a mars 1963, Ivor Russell..
    Il doit aussi, a peine revenir a Moscou, prévenir les britanniques que tout est « all right » pour lui, ce qu'il fait dès le 17 octobre 1961, soit le lendemain de son retour, en appelant a 21h le G-3-13-58, puis en raccrochant après trois sonneries. Le KGB établira que il s' agit du numéro de téléphone de Félicita Stuart, en poste a l' ambassade britannique de mai 1961 a février 1962 comme attachée.

    A partir de la, les rencontres clandestines entre Penkovsky et Chisholm se multiplient : Le 09.11.1961 sur la Arbat, le 23.12 et le 30.12 sur le Tsvetnoi Bulvard, le 05.01, le 12.01.1962 et le 19.01.1962 sur la Arbat..soit pas moins de six rencontres en l' espace de deux mois.

    Ensuite, les rencontres entre Penkovsky et Chisholm se font plus discrètes, prennent un caractère plus officiel: lors de soirées diplomatiques, le 29.03.1962 et le 31.05.1962, ou par l' intermédiaire de Greville Wynne, comme le 02.07.1962. Wynne montre aussi a Penkovsky les photos de ses deux nouveaux traitants dans la capitale moscovite: Rodney Carlson pour la CIA et Pamela Cowell, la femme de Gervase Cowell, pour le SIS.

    Le dispositif de contact avec le MI6, décrit plus haut, comptait nombre de failles:

    Primo, le MI6 découvre en 1961 l' existence d'un traître dans ses rangs, Georges Blake, officier en poste précédemment a Séoul et Berlin. A ce dernier poste, il a bien connu...Roderick Chisholm, et on peut supposer que il a donné son identité a ses contrôleurs du KGB. Pourquoi alors le SIS, quand il découvre la trahison de Blake, continue de laisser Chisholm et sa femme rencontrer Penkovsky, au risque de le griller? Cette question incompréhensible l' est encore moins quand on sait que c'est l'officier du MI6 Harold Shergold qui a la fois est un de ceux en charge du dossier Penkovsky et qu'il fut aussi un de ceux qui démasqua Georges Blake!

    Secundo, ce que ignorent les britanniques, c'est que le KGB, suite a l' affaire Piotr Popov, a renforcé les surveillances des officiers des services secrets occidentaux en poste en URSS. Les témoignages de Youri Nossenko et de Viktor Sherkashine, alors officiers de la Deuxième Direction Principale du KGB d' URSS, indiquent clairement que c'est la surveillance exercée sur la femme de Roderick Chisholm, Janet, qui conduira le contre-espionnage soviétique a Penkovsky.

    Extrait de la vidéo de surveillance du KGB, Penkovsky sort de l' immeuble après Chisholm.

    Dès fin décembre 1961, un officier de la brigade de surveillance du KGB affecté a la filature de la femme de Roderick Chisholm la voit entrer dans un immeuble, puis en ressortir, et peu après, un inconnu sort également!Or cet inconnu avait précédé Madame Chisholm dans l' immeuble... La brigade de surveillance perd ce mystérieux inconnu, a la grand fureur de Ivan Markelov, alors chef de la section britannique a la 2ème Direction principale du KGB (contre-espionnage) qui accorde a cet incident une grande importance et donne ordre de tout mettre en oeuvre pour retrouver cet inconnu! A partir de la, deux versions apparaissent: La première veut que, la semaine d' après, même manège, et ironie de l'histoire c'est le même opérationnel qui est affecté a la filature de Madame Chisholm, et qui reconnaît immédiatement cet inconnu! La seconde est donnée par Viktor Sherkashine, alors officier de la section britannique du Deuxième Directoire: L' officier de la brigade de surveillance qui avait perdu l' inconnu est affecté a la surveillance du GKNT, et qui voit- il sortir du bâtiment! Le fameux inconnu.


    Dans les deux cas, l' inconnu est suivi et rapidement identifié:Oleg Penkovsky, affecté aux relations extérieures du GKNT, le Comité d' État a la Science et a la Technologie. Une couverture, car Penkovsky est en réalité officier du GRU, le renseignement militaire soviétique, avec grade de colonel. Pendant plusieurs mois le KGB suit Penkovsky pour découvrir ses traitants et ainsi briser les filières. Chose étonnante, bien que le SIS et Penkovsky aient tous deux remarqués la surveillance a leur encontre, le contact continue! Ce qui va a l' encontre des plus élémentaires règles de sécurité. Par exemple en juillet 1962 Penkovsky, lors d'une surveillance, conduit a l 'homme d' affaires britannique Greville Wynne. Les techniciens du KGB, malgré le bruit de la douche, réussissent a capter une partie de leur conversation, ou Wynne évoque entre autres le futur contact de Penkovsky a Moscou: Il s' agit de Gervase Cowell, le nouveau chef de station, et de sa femme Pamela.

    Et bien que le MI6 le sache, son « traitement » au coeur de Moscou continue cette fois par l' intermédiaire de la CIA, et ce de manière incompréhensible. Cette méthode ne pouvait conduire que a un échec: Le 22.10.1962 Penkovsky est interpellé a la sortie du GKNT, et un officier traitant de la CIA, Richard Jacobs, est interpellé alors que il ramassait la boîte aux lettres mortes le 02.11.1962.

    Les preuves contre Penkovsky: Radio pour recevoir les messages, blocs de codes etc.. En plus du procès retentissant de Oleg Penkovsky, plusieurs « diplomates » britanniques et américains en poste a Moscou doivent quitter le pays, ou sont déclarés indésirables, les soviétiques se faisant un plaisir de dévoiler au cours du procès les noms des officiers de la CIA et du SIS en poste a Moscou Pour le premier cas, citons Roderick Chisholm, qui a quitté Moscou a la mi-1962;pour le second, c'est le nouveau chef d' antenne, Gervase Cowell et sa femme Pamela. Sont aussi dévoilés des numéros de téléphone moscovites dont disposait Penkovsky si il souhaitait contacter ses officiers traitants: Sont déclarés "persona non grata" Felicita Stuart, John Varley et Ivor Russell, sans qu'on sache pour l'instant si ils étaient de simples diplomates britanniques ou des officiers de l' antenne moscovite du renseignement britannique.

    Note modifiée le 22.08.2009 et le 19.09.2010

  • Répressions et réhabilitations en URSS des années 50 a Gorbatchev

    Répressions et réhabilitations en URSS des années 50 a Gorbatchev

    Beaucoup a été écrit et dit sur ce sujet, néanmoins, nous avons pus constater que certains épisodes de cette histoire tragique de l' Union Soviétique sont passées inaperçues, c'est pourquoi il convient de revoir, corriger, et apporter des précisions.

    Premier point a revoir, la « déstalinisation » est liée a l'année 1956 avec la « dékrouchtchévisation ». cette affirmation n'est que en partie exacte. Si en effet en 1956 commence la réhabilitation de nombre de personnes envoyées dans les camps de travail sous Staline, les premières réhabilitations commencent .. sous Staline lui-même: Citons par exemple Nikolaï Erdman, dramaturge et scénariste, envoyé en prison en 1933, puis libéré et qui reçoit le prix Staline en 1944.

    La période stalinienne se caractérise en réalité par un mouvement ambivalent,  fait de répressions, d'arrêt de ses répressions, puis dans un nombre très limité de cas de réhabilitations.

    deuxième nuance a faire, on peu dater les débuts de la déstalinisation peuvent être datés de 1953, et ce par deux actes symboliques: la première est la reconnaissance ouverte de l' innocence des médecins accusés dans le complot des blouses blanches; deuxièmement, c'est l' arrêt définitif, avec Staline, des méthodes de terreur massive vis-a-vis de la population.

    Deuxièmement c'est un document, peu connu, daté de 1954 du comité central du PCUS,qui donne ordre de réexaminer un certain nombre d'affaires, de personnes accusées de crimes contre révolutionnaires. Dans ce but sont créées des commissions, aussi bien au niveau national que local, comprenant des représentants du KGB, du MVD, de la Procurature ou de la Procurature Générale. Ses commissions étaient chargées de réexaminer les cas des personnes condamnées par les collégiums du GPU et ses successeurs, ainsi que le collégium militaire de la Haute cour d' URSS, et les tribunaux militaires, ainsi que les personnes déportées conformément au décret du présidium du Haut conseil ' URSS du 21.02.1948.

    Sur la période mai 1954- avril 1956, la commission réexamina 337183 personnes emprisonnées. Parmi elles, pour 153502 personnes, l' affaire fut classée sur la base du décret du 27.03.1953 «  De l' amnistie », ou bien la fin de leur déportation, la baisse de leur peine etc.. Seules 14338 personnes sont réhabilitées. Pour 183681 personnes, la sanction est laissée telle quelle (54,5% par conséquent)

    Les réhabilitations prennent effectivement de l' ampleur a partir de 1956 avec le discours secret de Khrouchtchev.

    Concernant les réhabilitations, un des principaux auteurs est, ironie de l'histoire, un officier du KGB, le général Borisoglebsky, qui dirigera ensuite la direction du personnel du KGB. Borisoglebsky trie les priorités: En premier réexaminer les dossiers des personnes qui sont encore enfermées dans les camps (les Lagérii, attention! GOULAG comme on les appelle parfois est une erreur, GOULAG désignant la « Direction principale des camps »); ensuite, les personnes qui ont été libérées mais qui ont été déchues de certains droits. Au sein du KGB sont également créés des groupes de travail chargés de réexaminer les cas des personnes concernées.

    Toutefois, quelques nuances sont a faire:
    Primo, le discours de Khrouchtchev n'était pas destiné a l' Ouest, mais uniquement aux membres du Parti, mais qui suite a une fuite d'information en provenance de Pologne, se retrouvera entre les mains des services secrets occidentaux puis en une du New York Times! Ce qui montre que le but de Khrouchtchev était de « laver le linge sale en famille », sans avoir a l' étaler sur la place publique.

    Secondo, toutes les victimes des répressions ne sont pas réhabilités, certains ne le seront que bien tardivement. Notons que la destalinisation de 1953 a 1961 ne touchera que 1/5 des victimes de répressions:Selon Alexandre Karbaïnov,directeur du centre de relations publiques du KGB de 1990 a 1992: Des années 30 jusqu'à La mort de Staline (c'est a dire 1953) les répressions ont touchées 3778234 personnes, parmi elles, 786098 furent fusillées; Notons que ses répressions ont touchées soit des personnes innocentes, mais accusées, dans le climat de paranoïa ambiante, soit d'être des « trotskistes », « espions fascistes allemands » etc... soit sans doute des personnes réellement coupables d' infractions, malheureusement l'article n'est pas assez précis la dessus, ne les distinguant pas. Seul chiffre disponible a ce sujet, 11000 personnes environ ne sont pas réhabilitées pour avoir soit participé aux répressions, soit avoir collaborés avec les nazis.
    Toujours est il que sur ses personnes réprimées, seuls 737000 environ sont réhabilités sur la période 1953-1961. Les réhabilitations paraissent avoir été freinées sous Brejnev, en tout cas on n' en retrouve aucune allusion dans les rapports du directeur du KGB Youri Andropov a sa hiérarchie. Mais elles ont reprises beaucoup de constance sous Mikhaïl Gorbatchev, puisque selon Karbaïnov toujours, sur la période 1988-1989 pas moins de 844000 personnes approximativement sont réhabilitées. Chiffre conséquent, dû selon Karbaïnov a la création au sein des services territoriaux du KGB d' équipes chargées de réexaminer les dossiers.

    D'autres personnes ne seront jamais réhabilitées car auteurs de certaines infractions. Ce sera par exemple le cas de certains hauts responsables de la Sécurité d' État. Par exemple le commissaire du peuple Mikhaîl Frinovski, fusillé en 1940, et ancien haut responsable de la Sécurité d' État en Azerbaïdjan.

    Notons aussi le déni de droits pour certaines minorités considérées comme « traîtres » par Staline, qui malgré la « déstalinisation », ne sont pas pleinement rétablies dans leurs droit, par exemple les tatars de Crimée.

    S'est aussi posée la question de la responsabilité des personnes qui « fabriquaient » des affaires. Ironie de l'histoire, on relève les premiers cas... dès 1939. En effet, dès l'arrivée de Beria a la tête du NKVD sont licenciés du NKVD pour contre révolution, ou  pour infractions dans le cadre des fonctions 23% des cadres,ajouté a une série d' actes juridiques, par exemple «  O nédostatkakh v slédstvénoï rabotié organov NKVD ». (« Sur les insuffisances dans le travail d' enquête du NKVD »). Il n'est pas certain, comme l' a montré par exemple le « complot des blouses blanches » (Médecins accusés d'avoir prévus des assassinats de hautes personnalités soviétiques, qui seront innocentées a la mort de Staline) que ses instructions aient été respectées.
    Toutefois, une nouvelle fois, c'est la période Khrouchtchevienne qui va donner une certaine impulsion. Certaine car limitée! Comme le constate dans une remarquable étude relative aux réhabilitations a partir de 1954 O.V.Lavinskaya, les procureurs et les organes du parti refusèrent de sanctionner, le plus souvent, les auteurs d' infractions qui étaient toujours vivants. On relève néanmoins quelques exceptions: Par décision du comité du parti régional du 11.10.1955 est renvoyé l' adjoint du directeur de la Direction du KGB de la région Amour D.F Tikhonov.

    Alors, combien de personnes ont été jugées pour avoir fabriqués de fausses affaires? Alexandre Karbaïnov donne, la aussi, quelques chiffres: Il évoque, pour les années 50 (sans être malheureusement plus précis), 1324 officiers du NKVD (Qui comprend non seulement la police et la Sécurité d' État, mais aussi les pompiers et la Direction principale des camps) et du MGB condamnés, 2370 anciens membres de la Sécurité d' État soit licenciés, soit privés de décorations ou de retraite, exclus du parti, punis administrativement ou dans le cadre du Parti. 68 personnes se sont vues retirer le galon de général, parmi les dirigeants de la Sécurité d' État.  

    Ces réhabilitations paraissent néanmoins avoir jouées un rôle positif sur le système juridique soviétique, puisque désormais les méthodes de répression massives sont exclues. Ancien officier du KGB, Igor Préline raconta lors d'une conférence organisée a la mi-2008 par le CF2R (Centre français de recherche sur le renseignement) que la première chose que on lui enseignait a l' école du KGB était « plus jamais ça », ne plus utiliser cette méthode sanglante. A partir de la, étonnamment, malgré le côté répressif, le KGB sera beaucoup plus légaliste, recherchant plus la preuve concrète de  l'infraction, dans ses missions d' enquête, que auparavant. Un exemple peut être donné avec l' enquête sur Oleg Penkovsky, officier du renseignement militaire soupçonné de travailler pour les services secrets occidentaux, et qui sera longuement surveillé pour obtenir les preuves irréfutables de sa trahison; ou avec la longue surveillance des dissidents  Siniavsky et Daniels pour démontrer que ils furent les auteurs de « samizdat » publiés a l' Ouest.

    Mais malgré cette déstalinisation, nous sommes loin alors d'une liberté totale, le processus de lutte contre les opposants politiques continue .

    Directeur du KGB de 1967 a 1982, Youri Andropov le reconnaît lui-même a mots couverts dans sa note du 29.12.1975 n°3213-A a l'intention du comité central du PCUS: « En 1958, justement durant la période que certains a l' Ouest qualifient de « libéralisation », se référant a la déclaration du 27.01.1959 de Khrouchtchev sur 'l'absence de condamnations pour des infractions politiques ', 1416 personnes sont condamnées sur la base de l'article 70 du Code pénal de la RSFSR (Agitation anti soviétique et propagande) »

    Autre donnée peu connue, la réunion du Comité central du PCUS du 19.07.1962 (Donc quand Khrouchtchev était a la tête du PCUS) examine la question de « l ' intensification de la lutte avec les éléments anti soviétiques hostiles », lequel donne lieu a trois documents: résolution du conseil des ministres d' URSS élargissant la liste des endroits interdits pour les personnes «  aux activités anti soviétiques hostiles », «et  les personnes exilées ou accomplissant leur peine », Ordre du KGB n° 00175 « sur l' intensification de la lutte des organes de la sécurité de l' État envers les éléments démontrant leur hostilité »; ordre du procureur général d' URSS « Sur l' intensification du contrôle du procureur sur les enquêtes relatifs aux affaires de crimes d' État et leur examen dans les tribunaux ».

    Nommé en 1967 a la tête du KGB, Youri Andropov insiste clairement sur la nécessité de ne plus utiliser des méthodes répressives. Mais il entend ainsi les répressions de masse de l' époque stalinienne, en général, pour les dissidents ou futurs dissidents en particulier. La méthode change : on arrête les répressions de masse, on cible désormais les personnes une a une.

    A partir de Andropov le but fixé au KGB ne sera plus de chercher a tout prix a arrêter les auteurs de « propagande anti soviétique », mais de « prévenir ». Cette technique, appelée « profilaktika », sera mise en oeuvre par directives dès 1970. Le principe est simple: les personnes auteurs d'actes anti soviétiques ou en passe de l'être sont convoquées au service local du KGB ou un officier discute avec elles, déclarant que le KGB est au courant de leurs actes et leur demande de cesser. La personne doit s' engager par écrit a ne plus recommencer. Un exemple est donné par la note n°360-A du directeur du KGB Youri Andropov au Comité central du PCUS « sur la discussion profilactique et préventive avec P.G. Grigorenko »: Lors de la discussion il fut indiqué a Grigorenko que son activité porte atteinte aux intérêts étatiques et que si il continue seront prises des mesures par les organes du KGB ».

    Les documents declassifiés du KGB montrent en tout cas,du point de vue pénal, le développement de cette méthode:
    La note n°3213A du 29.12.1975 du directeur du KGB Youri Andropov au Comité central du Parti communiste d' Union Soviétique évoque 63108 personnes qui sont passées par la « profilaktika » de 1971 a 1974. Un chiffre conséquent, qui peut s' expliquer par la largesse de son implication: la « profilaktika » concerne aussi bien des personnes critiquant le régime de Brejnev (par exemple le général Grigorenko) que celles qui auraient eues a un moment ou a un autre une attitude « antisoviétique », ce qui peut inclure les personnes lisant des revues, livres, tracts considérés comme antisoviétiques  ou critiquant le régime.

    A partir de la, quid de la répression pure?
    Une note du 31.10.1975 n°2743-A du directeur du KGB Youri Andropov a l'intention du Comité central du PCUS évoque les chiffres respectifs de 1601 personnes condamnées pour « propagande et agitation anti soviétique » de 1959 a 1962, contre respectivement 502 de 1963 a 1966, 381 de 1967 a 1970 et 348 de 1971 a 1974. Les personnes coupables d'activités nationalistes qui ont été condamnées ne sont pas indiquées dans ses statistiques, mais on peut supposer que elles sont comprises dans la catégorie « propagande et agitation anti soviétique » , ainsi que dans la catégorie « Personnes condamnées pour d'autres infractions » (Chiffres respectifs de 1003 personnes de 1959 a 1962, 1011 de 1963 a 1966, 328 de 1967 a 1970 et 258 de 1971 a 1974)

    Une autre note, n°3213-A du 29.12.1975, du directeur du KGB Youri Andropov au Comité central, est tout aussi intéressante: Sur la période 1958-1966  pour « propagande anti soviétique » sont condamnées 3448 personnes. En septembre 1966 entre en vigueur l' article 190 du code pénal de la RSFSR (Diffusion de fausses informations nuisant a l'ordre constitutionnel soviétique). Sur la période 1967-1975, sur la base des articles 70 et 190 du code pénal de la RSFSR sont condamnées 1583 personnes. Autre information intéressante venant tout droit de la note n°3213-A, sont détenues 261 personnes, a la date du 20.12.1975, dans les camps, pour « agitation et propagande anti soviétique », ce qui est beaucoup moins que on ne pouvait le penser, et permet de tirer deux conclusions: Les personnes arrêtées étaient aussi envoyées en hôpital psychiatrique ou en prison, quand elles étaient condamnées, ensuite les personnes emprisonnées dans les camps de travail étaient sans aucun doute, en grande majorité, des auteurs d' infractions de droit commun.

    La « profilaktika » est donc la règle et l' enfermement, ou l' internement, plus des exceptions. La note du 09.02.1984 sur les recherches de personnes auteurs de lettres anonymes anti soviétiques pour l' année 1983 en donne un exemple concret: Sur les 1223 auteurs de telles lettres identifiées, 650 sont passés par la « profilaktika », 275 « sont en cours de vérification » (sans doute sous surveillance et enquête), 101 font l' objet d'une enquête, et (parmi ses 101, 48 sur la base des articles 70 et 190 du code pénal de RSFSR), 197 sont envoyées en hôpital psychiatrique.

     

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    Les chefs de la Cinquième direction du KGB, devenue en 1989 le Directoire "Z" (Protection de la Constitution): Philip Bobkov, chef adjoint de 1967 a 1969 puis chef de la 5ème Direction de 1969 a 1982; I.Abramov, a la tête de la Cinquième Direction a partir de 1982); Valery.Vorotnikov (1989-1991); E.Ivanov (Janvier 1991-septembre 1991)

    Notons aussi que la lutte contre l' opposition ne fait pas partie des priorités principales du KGB: Si elle est loin d'être délaissée, cette tâche relève du 5ème Directoire du KGB d'URSS (créé en 1967). Mais d'une part c'est un des plus petits services au sein du KGB (237 officiers au quartier général lors de sa création) lors de sa formation, d'autre part il n' aura jamais le statut de « Direction principale », statut accordé aux services d'une très grande importance comme le renseignement extérieur,le contre- espionnage, ou les gardes- frontières.
    Ce constat est très visible en examinant les rapports annuels du KGB d' URSS, par exemple le rapport du 15.03.1983 relatif a l' activité du KGB pour l' année 1982 évoque en premier lieu des tâches comme le renseignement extérieur, y compris politique et scientifique, le contre-espionnage, le contre-espionnage militaire, avant d'en arriver a la 5ème page seulement a la lutte contre les groupes nationalistes et aux activités antisoviétiques, notant au passage que 40 groupes nationalistes ont été découverts sur l'année 1982, entre autres en Ukraine, en Arménie, en Estonie et en Lituanie.

    Que peut-on en tirer comme conclusions? Le KGB a en effet lutté contre des personnes qui s'apprêtaient a commettre des infractions de personnes s'apprêtant a attenter a la vie humaine ( Détournements d'avions, lettres anonymes menacant de mort tel ou tel dirigeant). Quelques cas concrets l'ont démontrés: explosion en 1974 près du tombeau de Lénine, trois attentats a la bombe en plein Moscou le 08.01.1977 faisant 7 morts et 35 blessés; tentatives d'une personne vers 1967 de se faire exploser en plein au Comité central du PCUS; deux bombes désamorcées dans le métro de Moscou en 1989..) mais de tels actes ont plus été l' exception que la règle. Le KGB était aussi le « bras armé du Parti », le but était par conséquent d'assurer le monopole du Parti a tout prix. Le KGB diffère-il de ses prédecesseurs? Oui et non. Non car son rôle n'a pas changé, oui car la finesse était plus de mise. Les officiers de la Cinquième Direction n'étaient pas des incultes loin de la, et dès l' ère Chelepine (Donc fin des années 50 et début des années 60) un gros effort a été entrepris pour faire entrer au KGB des personnes dotées de diplômes, de têtes "bien faites" et pas forcément "bien pleines". Néanmoins, le rôle du KGB l'a poussé a violer certaines normes comme la Constitution, ou les accords de Helsinki de 1975, lesquels garantissaient pourtant la liberté d' expression. 
    Toutes les personnes aussi bien arrêtées et emprisonnées ou soumises a la « profilaktika » étaient loin d'être de fervents anti communistes ou anti soviétiques; a partir de la, la « lutte contre les dissidents » paraissait aussi comme un moyen d' empêcher la « déviance idéologique » des personnes ciblées. En un sens, cet arsenal de mesures montre bien une chose: il suffisait que la pression sur la population se relâche pour que le système ait un risque de s' effondrer, non pas dans le sens d'une guerre civile, quoique cette hypothèse ne peut complètement être exclue (tensions des minorités) mais aussi avec l' émergence d'une opposition viable au monopole du PCUS.